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Hébergement d’urgence : des places adaptées hors hôtels !

Yannick Maurice Présidente de l’APUI

Le gouvernement est revenu sur la disparition programmée de 14000 places en 2022 et 2023

Qu’en sera-t-il en 2024 alors que les hôtels, mis à disposition depuis la période de crise sanitaire, veulent retrouver « leur vocation touristique », sans que cette perte ne soit compensée ?

Chaque année, des représentants de l’État clament haut et fort leur volonté de combattre le mal-logement, d’en finir enfin avec cette absurde réalité de plusieurs milliers de femmes, d’hommes et d’enfants dormant dehors, dans un hall d’immeuble, dans un squat, une salle d’attente d’hôpital, un campement, le canapé d’un quasi-inconnu, un studio du parc privé à la limite de l’insalubrité dans lequel se serrent sept personnes.

Les associations sont disponibles pour y contribuer, mais rappelons cependant que pour y parvenir, elles doivent disposer de clarté sur les moyens et la méthode, à commencer par la qualité des solutions d’hébergement qui seront proposées.

Ainsi, par manque de places dans les centres d’hébergements collectifs et face au nombre important de ces familles en errance, la solution mise en œuvre depuis de nombreuses années est la mise à l’abri dans des hôtels privés.

Cet hébergement hôtelier « Initialement conçu comme une solution d’hébergement transitoire, un accueil d’urgence, quelque chose de souple qui permettait de répondre vite et de mettre à l’abri des gens dans des conditions correctes, est aujourd’hui devenu incontrôlable. La philosophie d’origine est largement dépassée puisque aujourd’hui, plus de la moitié de l’hébergement en Île-de-France est assurée par de l’hébergement hôtelier, avec une durée moyenne de séjour à l’hôtel de deux ans et demi »

Cette situation s’est imposée « par facilité, mais aussi par pression » au regard du besoin considérable de places d’hébergement.

Pourtant, face aux dépenses explosives des hébergements à l’hôtel, pourquoi la volonté de construire ou de récupérer des logements et hébergements adaptés ne semble jamais apparaître comme une solution envisageable ?

L’objectif est-il de maintenir, coûte que coûte, des personnes dans l’assistance et le dénuement complet ?

Certes, réserver des chambres, est bien plus facile que de construire des centres. C’est une offre immédiatement disponible, avec une élasticité qui permet de s’adapter à la demande. Mais cela repose sur deux leurres :

Le premier, c’est de croire que l’hébergement hôtelier est provisoire et réversible. L’histoire prouve le contraire. On est passé de 2 500 nuitées en moyenne en 2005 à 14 fois plus aujourd’hui parce que la demande d’aide a explosé au fil des années, mais aussi parce que sortir de l’hôtel n’est pas simple.

Le deuxième leurre, c’est justement que la chaîne qui mène de l’hébergement au logement est embourbée, d’autant plus compliquée que les familles placées à l’hôtel se retrouvent isolées, sans accompagnement social ou si peu, et galèrent dans les démarches.

Les associations ont toutes en tête le caractère temporaire de leurs dispositifs d’accueil d’urgence et d’insertion, et que leur mission, est bien l’accès à un logement sécuritaire et stable, que ce soit pour les personnes isolées ou pour les familles. Il n’en reste pas moins que beaucoup de familles ne sont pas en capacité d’accéder directement à un logement en raison de difficultés sociales, administratives et économiques, ce que ne règlera jamais la priorité du gouvernement d’aller vers un nouveau plan quinquennal pour le logement d’abord.

Ceci dit, il n’en reste pas moins qu’il faut, sans aucune hésitation, remettre en question le développement et la généralisation du dispositif hôtelier dans la politique d’hébergement des personnes et des familles en errance quand il n’y a plus de places dans les centres d’hébergement d’urgence et que le parc social est saturé comme on peut le voir en s’intéressant aux listes d’attente des ménages reconnus prioritaires DALO, qui laisse particulièrement sceptique sur une politique efficace du « Logement d’abord » sachant que du côté de la construction de logements sociaux, la tendance est à la baisse.

En Île-de-France, le nombre d’agréments pour conventionner des logements sociaux était de 21.000 en 2020, soit le chiffre le plus bas depuis cinq ans. Il en faudrait 37.000 par an, selon le schéma régional de l’habitat.

L’objectif fixé pour la période 2020-2022 par l’État de construire 250 000 nouveaux logements sociaux d’ici la fin de l’année, ne sera pas atteint et sur les 250 000 logements sociaux prévus, seuls 180 000 devraient finalement sortir de terre.

Derrière tout ça, il faut donc un véritable plan d’insertion hébergement et logement pour aider ces familles à quitter l’hôtel, car faute de sortie, il faut quasiment créer une nouvelle place pour chaque nouvelle demande.

Avec la sortie de la crise sanitaire, « L’enjeu de la sortie d’hébergement d’urgence en hôtel sera beaucoup plus fort qu’en 2019 et 2020, c’est une véritablement bombe à retardement », sans parler du coût humain exorbitant, dans un contexte qui limite le droit au respect de la dignité des personnes, au regard du peu de droits et de recours face à leur situation et au vu du tarif mensuel des chambres dans les hôtels, de l’emploi des gestionnaires, du contrôle des hôtels, des rénovations, des travaux, etc.

En réfléchissant sur le long terme, construire des logements et loger même à titre gratuit l’ensemble des personnes sans abri coûterait « moins cher » à la société dans tous ses aspects qu’un système d’hébergement hôtelier qui entretient la précarité… les dépenses financières ne seraient plus aussi conséquentes dans plusieurs décennies si l’on investissait aujourd’hui dans des structures adaptées d’accueil et dans le recrutement de professionnels du secteur social et médico-social.

D’autant plus que dans les mois à venir, les politiques et les professionnels devront faire face à de nouveaux défis. Ainsi, même si l’hébergement d’urgence des déplacés ukrainiens (auquel il va falloir répondre en termes de places), sera financé intégralement par le ministère de l’Intérieur (Programme 303), l’enjeu est de taille (le conflit ne semblant pas près de s’arrêter) d’autant que les Jeux Olympiques de 2024 constituent, une nouvelle opportunité de spéculation immobilière qui contraint déjà le gel et la réduction de la capacité d’hébergement en hôtel.

Les données se sont affinées et les Drihl d’Île-de-France, qui commencent à s’inquiéter, ont signalé à la préfecture de région la perte d’au moins 7000 places d’hôtel à l’horizon 2024.

La préfecture de région a-t-elle réellement pris la mesure des conséquences de l’arrivée des JO quand elle déclare travailler à reconstituer la capacité d’accueil qui sera perdue, précisant : « L’hôtel n’est de toute façon pas une solution d’accueil digne et satisfaisante, nous cherchons des endroits dans la région pour créer des centres et pouvoir accueillir et mettre à l’abri ces publics“.

Alors, chiche ! prenons la préfecture de région au mot, car effectivement, outre un accueil digne et satisfaisant, croire que l’hôtel coûte moins cher que de construire des centres est un mauvais calcul ; si La nuit à l’hôtel est négociée autour de 21 euros en moyenne par mois et par personne (adulte ou enfant), une place en centre d’hébergement varie autour de 30 euros la nuit. Mais les prestations ne sont pas comparables. Les centres incluent un accompagnement social global, la nourriture, là où l’hôtel se résume à un lit.

Il reste un peu plus de 18 mois pour trouver des solutions avant la ruée des JO, ne serait-il pas temps que l’État et ses services déconcentrés prennent fermement la main sur les constructions de centres d’hébergement et de logements au niveau des collectivités locales qui repoussent de plus en plus vigoureusement ces types d’investissements.

Yannick Maurice
Présidente de l’APUI

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